Théophile Lourdel (1889-1964)

  • État civil : 22.06.1889 Saint-Omer | 22.11.1964 Saint-Omer
  • Profession : mécanicien carrossier
  • Organisation : réseau de la cathédrale de Saint-Omer, Pat O’Leary
  • Pseudonyme : néant
  • Fonctions : évasion de pilotes britanniques
  • Distinctions : néant (Croix de guerre et médaille britannique de la Grande Guerre).

Théophile Lourdel, l’aîné d’une fratrie de six enfants, grandit à Saint-Omer. Il apprend le métier de carrossier auprès de son père. Mais passionné par les moteurs de voiture et d’avion, il émigre en Angleterre en 1908 pour travailler aux usines Rolls-Royce de Londres où il poursuit sa formation pour devenir metteur au point des moteurs équipant les avions militaires.

La Grande Guerre aux côtés de la RAF

Appelé sous les drapeaux, il rentre à Saint-Omer en 1909 et y effectue son service militaire au 8ème régiment d’infanterie à la caserne de La Barre sous le matricule n°1546 de la classe 1909, puis il repart à Londres dès la fin de son service militaire en 1912. Il épouse Marguerite Rose le 14 avril 1914 à Saint-Omer. Le couple aura trois filles, Marcelle née en 1916 (épouse Doncker), Denise (épouse Coffin) née en 1921 et Odette (épouse Gamelin) née en 1925. Théophile Lourdel est mobilisé le 1er août 1914 puis envoyé en juillet 1915, après différentes affectations notamment pour une formation à la base aérienne de Bron (Lyon), à la Mission Française d’Aéronautique de Londres. Il effectue avec la Royal Air Force (RAF) plus de 50 missions de combat au-dessus de la Manche en qualité de mécanicien ou de mitrailleur avec des pilotes français ou alliés. Sa très bonne connaissance de la langue anglaise ainsi que du matériel aéronautique anglais convainc sa hiérarchie. De plus, il fait preuve de bravoure, en particulier lorsqu’il sauve des flammes, au risque de sa vie, deux officiers-pilotes anglais dont l’appareil vient de s’écraser au sol. Il est décoré par le gouvernement britannique de la « Meritorius Service Medal » (M.S.M.) et de la Croix de guerre par la France. Théo Lourdel rentre d’Angleterre en 1919, il s’établit à Saint-Omer et ouvre son atelier d’artisan mécanicien-carrossier au 4 rue des Tribunaux. Il habite avec sa famille au 2 rue de Sainte-Croix, dans le même quartier.

La création d’une filière d’évasion à l’été 1940

Anglophile et anglophone, il constitue avec son voisin Alfred Bourgeois, coiffeur dans la rue de l’Écusserie, dès la fin de l’été 1940 un groupe de résistants demeurant à proximité de la cathédrale de Saint-Omer. L’action de ces tout premiers résistants audomarois vise à exfiltrer les soldats anglais ou alliés qui, n’ayant pu réembarquer pour l’Angleterre, se cachent principalement dans le marais, notamment à Salperwick et Tilques, mais aussi à Nieurlet, Lederzeele ou Volckerinckhove. Il leur faut attendre que la filière d’évasion se mette en place pour commencer à convoyer les soldats durant l’automne 1940. Ce sont Alfred Bourgeois et Théophile Lourdel qui convoient notamment les Anglais Victor Badman et Frédéric Willyard à Caudescure entre Merville et Vieux Berquin, où ceux-ci seront hébergés à la ferme de Madame Foubert. En attendant d’autres départs, ils hébergent les soldats britanniques dans la clandestinité à Saint-Omer, les nourrissent, leur fournissent des faux documents français ainsi que des vêtements civils, et les occupent parfois à quelques travaux discrets pour éviter l’ennui du confinement. Ainsi, il arrive que deux ou trois soldats anglais donnent un « coup de main » à la carrosserie de Théo Lourdel, à 80 mètres de la Kommandantur. Ce sera un jour leur tour de traverser la France pour gagner l’Espagne et finalement retrouver l’Angleterre où ils reprendront le combat.

Arrêté sur dénonciation en janvier 1941

Dénoncé avec le reste du groupe par une Airoise à la solde des Allemands, Théophile Lourdel est arrêté dans son garage par le SD (la police allemande) le 5 janvier 1941, le lendemain de la perquisition infructueuse de son domicile, durant laquelle il s’était caché sur le toit. Par chance, les Allemands n’ont pas soulevé, dans le secrétariat du garage, le pot de peinture sous lequel était cachée la liste des 33 soldats britanniques avec lesquels il avait pris contact. D’abord emmené à la prison de Boulogne-sur-Mer, Théophile Lourdel est jugé le 4 septembre 1941 par le Tribunal militaire allemand de la Région militaire de Lille FK 670 -Antenne d’Arras-, et condamné pour « Engländerbegünstigung » (aide aux Anglais) à un an d’internement, peine qu’il purge dans des conditions très dures à la prison Saint-Nicaise d’Arras.

Le retour à la vie civile

Remis en liberté le 6 janvier 1942, il retrouve sa famille mais constate que ses outils de travail lui ont été volés par les Allemands. Il reprend quand même son activité artisanale pour nourrir son épouse et ses trois filles de 25, 21 et 17 ans, et rend encore des services, plus discrets, à la Résistance qui s’organisera autour du réseau Pat O’Leary.
Théophile Lourdel est élu, en 1947, conseiller municipal de Saint-Omer sur la liste du MRP. Il prend sa retraite d’artisan en 1960.


Sources & bibliographie

  • Article tiré de la presse anglaise « Frenchman’s two honours »
  • Vincent Bourgeois, Entre les mains des nazis, relatant l’histoire du « réseau » de la cathédrale de Saint-Omer (édité à compte d’auteur en 2014), p. 14, 17, 119-122, 135.
  • Raymond Dufaÿ, La vie dans l’Audomarois sous l’Occupation, p. 53, 58-59, 63, Imprimeries de L’Indépendant, 1990.
  • Laurent Thiéry, La répression allemande dans le Nord de la France 1940-1944, Presses Universitaires du Septentrion, p. 353.

Auteur : Bernard Doncker, petit-fils de Théophile Lourdel.