Alberte et Victor Ducatel (1918-1994)-(1911-1945)

  • État civil : Alberte, 14.07.1918 à Paris | 28.12.1994 à Arras ; Victor, 25.01.1911 à Roclincourt | 03.02.1945 à Nordhausen
  • Profession : gérants d’un café
  • Organisation : réseau Cohors-Asturies
  • Pseudonyme : néant
  • Fonctions : agents de renseignement
  • Distinctions : néant.

Victor Ducatel est né à Roclincourt le 25 janvier 1911 et se marie en 1939 à Frévent avec Alberte Bailleul, née à Paris le 14 juillet 1918. Au moment de la guerre, le jeune couple s’installe dans le village du mari et en 1941, il reprend un café. Le mari exerce aussi la profession de transporteur. Deux enfants sont nés, l’un en 1941, l’autre début 1943.

Un couple dans la résistance

Profondément patriotes, Alberte et son mari souhaitent agir, mais il n’est pas aisé de trouver un contact avec une organisation de résistance. En mars 1943, l’épouse discute avec un camarade de son mari, ce qui se révèle une opportunité et après quelques contacts, elle se rattache à Cohors-Asturies, le réseau de renseignements dirigé par le philosophe Jean Cavaillès. En août, un homme, sans doute celui qui a pris le pseudonyme de Signoret, se présente et demande s’il peut installer dans la maison deux postes-émetteurs, aux fins d’émettre régulièrement. Le couple convient qu’il viendra « travailler » deux ou trois fois par semaine, mais qu’on n’a pas à connaître son activité, ni son identité. De plus, il donne l’ordre de supprimer les postes si son absence excède quatre jours.

Perquisitionné, le couple est arrêté

C’est ce qui se passe le 17 novembre. Les Ducatel retirent donc les deux postes. Le couple place un émetteur dans une ferme voisine, et enterre le second sur lequel on prend bien soin de retirer les fils servant d’antenne.

Le lendemain 18, à six heures du matin, les Allemands viennent dans le village et se trompent tout d’abord de café. Puis ils arrivent à la maison Ducatel. Le mari se trouve présent, car il n’a pas pu partir avec son camion, à cause de furoncles aux bras. Les enquêteurs savent ce qu’ils doivent rechercher, et fouillent de fond en comble, sans trouver le poste-émetteur Cependant, il reste quelques fils de l’antenne, au fond du jardin, qu’Alberte se presse de récupérer, de cacher contre sa poitrine et de brûler dans la cuisinière. Seulement, il demeure trois mètres de fils avec une prise comprenant l’inscription « made in England ». Alberte, de ce fait, ne peut plus rien dire pour se défendre. Les Allemands arrêtent le couple.

Cet épisode est lié aux malheurs qui touche le réseau à ce moment, après bien d’autres catastrophes, puisqu’un témoignage rapporte que tous les radios et les asiles ont alors été arrêtés et tous les postes-émetteurs pris, suite à l’arrestation de Trégnier.

Interné et torturé, Victor décède en déportation

On peut supposer des interrogatoires musclés à la Gestapo de Loos. Alberte n’avoue rien en dépit des tortures infligées par ses tortionnaires (toutes ses dents brisées). Le 12 février 1944, elle embarque, avec d’autres filles, de la prison de Loos pour Bruxelles tout d’abord, puis pour l’Allemagne. A la gare d’Essen, elle rencontre pour la dernière fois son mari et lui annonce qu’elle est enceinte. Plus jamais, elle n’aura de ses nouvelles. Ce dernier passe par divers camps, prisons et commandos, Essen, Esterwegen, Gross Strehlitz avant d’aboutir, en novembre 1944, au camp de Gross Rossen. Il tombe alors gravement malade, suite à de mauvais traitements, souffrant de pneumonie, puis de tuberculose. Il meurt le 3 février 1945 à Nordhausen.

Nelly-France, l’enfant née en déportation

Quant à son épouse, elle est conduite à la prison de Kreuzbourg, où elle accouche, le 17 juillet 1944, d’une fille prénommée Nelly-France, comme l’a demandé Victor lors de la dernière entrevue. Cette bambine est cachée, nourrie, soignée comme on le peut alors, avec l’aide des autres détenues. Parmi celles-ci, figure Agnès Leclercq, la fidèle compagne de souffrance d’Arras, tant à Kreuzbourg qu’à Gross Strehlitz, où elle et sa mère sont libérées par les Russes. Elles rentrent en France, le 23 juillet 1945, et la vie reprend doucement son cours. Alberte meurt à Arras le 28 décembre 1994. Nelly-France est devenue, en 2010, la présidente du Comité départemental des Combattants Volontaires de la Résistance, et en 2013 la présidente des déportés, internés et ayant-droits de la Résistance d’Arras et environs.


Sources et bibliographie

  • AN, 3 AG2/ 44 (172 Mi 29), 72 AJ 44/II
  • André Coilliot, 1940-1944. Quatre longues années d’occupation. Le récit des évènements vécus dans la région d’Arras, Arras, 1985, tome II, p. 51-52
  • Marie Granet, Cohors-Asturies. Histoire d’un réseau de Résistance. Témoignages. Cahiers de la Résistance, Bordeaux, 1974
  • René Lesage, 100 figures de la Résistance dans le Pas-de-Calais, Éditions les Échos du Pas-de-Calais, novembre 2013.

Auteur(s) : René Lesage